SOURCE : www.formatcourt.com
Les éditions DVD de courts métrages d’animation à l’unité sont assez rares. Une édition aussi belle que celle de « Kijé » de Joanna Lorho, Prix Format Court à Angers projeté ce jeudi aux Ursulines, est certainement une première. Au point qu’on aura du mal à qualifier le livret qui entoure le disque de « supplément » puisqu’il fait partie intégrante du processus filmique. Il existe différentes façons de découvrir puis de parler d’une œuvre. L’habituelle reste celle de se retrouver face à elle, la laissant défiler sur un écran et ensuite de se mettre à réfléchir avec le matériau final, brut. Avec ce DVD co-édité par Zorobabel, Graphoui et La Cinquième Couche, on peut découvrir le film de manière « génétique ». En effet, on a droit à toute la genèse du projet artistique avant, à la toute dernière page, de trouver le disque avec le court. L’avoir placé tout au bout n’est pas un hasard, et prouve bien que (re)voir l’œuvre à l’aune de tout le chemin parcouru, des presque dix années de maturation qu’il a fallu à la réalisatrice pour enfin voir le bout du tunnel, est important. Qu’on aime ou non le film n’est alors même plus la question : nous avons droit à une nouvelle manière de le voir, de l’expérimenter, de se l’approprier. Et c’est un phénomène assez peu courant pour en profiter pleinement.
De quoi se compose le livret ? Déjà d’une couverture qui donne le point de départ : tout ici est fait main. L’écriture, le titre, le personnage mis en mouvement par les traits qui vont et viennent de tous les côtés comme s’il nous rappelait que l’ordinateur n’aurait jamais pu lui donner vie, tout rappelle la création artisanale. Puis, on a la chronologie du processus de fabrication en images et en mots. On commence, comme dans une exposition sur la fabrique d’une œuvre, par des extraits du premier story-board puis par des recherches plus précises, plus fines : le film est déjà en marche et l’intérêt réside aussi dans les dates apposées en dessous des choix graphiques afin de montrer l’évolution de la matière filmique, du mouvement, ses arrêts de temps en temps avec des coupures qui semblent s’éterniser avant la reprise.
Puis, on a les mots, à la manière d’un journal entremêlé d’entrées thématiques. Si les images bafouillent, les paroles aussi. On sent le désir de créer quelque chose, un univers, un monde, des personnages mais sans trop savoir comment les exprimer. C’est aussi complexe par l’image, qui change, qui tâtonne, qui évolue. On a droit aux espoirs et aux agitations et crispations de l’auteur qui nous parle à la première personne. À ce qu’elle écoute, voit, entend, aux réactions des gens autour d’elle qui ne la comprennent pas toujours bien. Et puis, on a ces plans qui commencent à prendre forme, à s’animer avec des planches où quelques dessins se suivent et au milieu desquels on peut imaginer les intervalles manquants, ce qui va mener au mouvement. On vit avec elle, le temps d’un livre, dans ses souvenirs, sa mémoire, ses fantasmes et ses envies. Lire le livret, c’est un peu partager un moment de vie et surtout la vie d’une œuvre en train d’être créée, comme une future maman qui parlerait de ce qu’elle vit au quotidien sauf que dans le cas de « Kijé », c’est vraiment plus intéressant.
KIJE teaser from Joanna Lorho on Vimeo.
Au final, plus on avance et plus on les découvre, plus elles prennent forme, l’œuvre et sa créatrice. Jusqu’au moment où enfin, on peut prendre le disque, très simple. Un menu avec le titre et une image, on clique et le film commence, et on peut se mettre à le regarder. Un seul bémol : une qualité d’image peut-être pas optimale mais suffisante sur les écrans pas trop grands.
Nicolas Thys - Mai 2015
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