Je me dis que si des gens suivent un peu ce que je raconte ici à propos de Kijé je dois finir par avoir autant de crédibilité qu’un roman-savon...
Du coup, comme la fois où Shirley n’ose pas dire à sa famille qu’elle s’est remise avec Michel pour la trentième fois, j’hésite à dire que depuis que j’ai réécrit une partie de Kijé nous coulons des jours heureux et pleins d’espoir...
Avant ça, par contre pour la première fois, j’ai vraiment eu envie de tout arrêter.
J’ai pleuré pendant deux jours. Je tentais de réécrire une partie en me mouchant, je dessinais des trucs, des croquis, et puis je réécoutais la musique, j’essayais d’imaginer le truc, ça collait pas, ça me disait rien, j’y croyais pas, je me remettait à pleurer...
Un grand moment de joie.
J’ai tout envisagé, refaire la musique, couper dans le lard, retirer la fin du film....
Et puis arrêter.
J’ai souvent flippé face à la masse de travail, je me suis souvent dit que je n’étais pas capable, j’ai souvent regretté de m’être embarqué dans un truc pareil, mais là, c’était différent, pour la première fois j’étais juste au bout.
Vidée, en panne, pas d’idée, je ne voyais pas comment continuer, rattrapper le coup, j’avais fait trop d’erreurs, la clé de voute du récit venait de s’écrouler, je n’avais rien vu venir et j’avais juste envie de me barrer, faire autre chose de ma vie, abréger la souffrance.
Ca arrive ! L’échec ! C’est pas juste un mot pour faire peur !
Il me semblait que vivre avec un projet pas fini ou traîner et finir péniblement un projet auquel je ne crois plus, ce serait à peu près le même poids de merde.
Je veux bien bosser des années sur un projet qui durera le temps d’une cigarette ( "Ahhh boonn ?? Depuis le temps je pensais que tu bossais sur un long métrage moooii !" ), je veux bien vivre avec le sentiment d’être personne parce que j’ai encore rien "fait", rien à montrer, pendant que d’autres sortent des bouquins, font des expos, grandissent, je veux bien me faire snober, au fond je m’en fous, je veux bien parce que je crois un minimum à ce que je fais.
Sauf là. C’était plus le cas.
Je pensais même à tout les gens qui allaient me dire "OHHH mais tu peux pas, comme c’est dommaaaaage !" Que ça allait arriver cent fois ! Et que j’aurai envie de tous les bouffer, et j’avais encore plus de colère !!!
Pour arrêter d’en chier, j’aurai tout lâché, le film, le dessin, j’aurai peut-être gardé la musique, et encore. Il y a plein de choses à faire dans la vie, être utile, aller aider les autres, faire un truc simple, je sais pas gagner sa vie, voyager, je sais pas... !!!
Voilà. Mais heureusement, je ne suis pas toute seule.
Hormis le fait qu’il aurait bien fallu que j’y repense avec un cerveau stable, comme un lendemain de cuite, j’ai aussi des comptes à rendre.
Il y a quand même d’autres personne qui mettent la main à la pâte.
Et puis ceux qui essuient les plâtres...
Au premier rang il a dit "Tu peux pas, je veux bien vivre avec une fille mais pas avec un cadavre de film pas fini."
Il a dit "Mais je veux bien t’aider".
On a partagé nos cerveaux, j’ai laissé reposer.
J’ai même arrêté d’y penser pendant plusieurs jours.
Et puis ça a fini par venir.
J’ai recommencé à faire des pousses.
Des idées, l’envie de dessiner, avec les envies un peu d’enthousiasme....
Comme une aurore.
BREF
Ce coup-ci je crois que ça tient la route.
J’ai refait une partie de l’animatic, un truc assez précis, j’ai repris des notes...
Un truc suffisamment crédible pour me refiler la niac.
C’est reparti.
1 Commentaire
(Septembre 2012)
On va dire que les romans-savon sont connus comme la lune, c’est déjà ça.