Je n’aime pas les "au revoir".
C’est toujours trop, trop peu, trop long, trop court, trop tôt, tu sais jamais quand est-ce que tu dois raccrocher, détourner le regard....Passer à autre chose.
Je suis nulle pour ça. Pourquoi je me retiens de pleurer ici, et pourquoi là je fais comme si on allait se revoir alors que je sais pourtant que c’est la dernière fois ?
Et là, pourquoi on traîne...
On n’a plus rien à se dire !
Et pourquoi là je ne l’ai pas serrée aussi fort que je le pouvais, respiré son cou encore une fois, touché sa joue veloutée.
BREF !
Finir c’est compliqué.
Tous les matins on essaye. On se donne rendez vous, je lui ai donné une nuit pour se préparer. Une nuit entière, il ne peut pas faire plus vite. Ok.
Il progresse, avant il lui fallait une semaine. J’ai cru que j’allais mourir.
Mais j’en ai marre de venir tous les matins pour lui dire au revoir, "ce coup-ci c’est la bonne hein, allez, je regarde une dernière fois, tu es sûr que tu n’as rien oublié ? T’as bien mis son écharpe, t’as bien boutonné ta chemise ?"
NEN tous les matins je découvre un nouveau truc. Un truc que je ne peux pas laisser passer.
Tu fais exprès ou quoi ??
Comment ça tu sais pas enfiler tes chaussettes, mais je t’ai montré ça déjà !
NEN tu peux pas partir comme ça. Pas après tout ce temps, non je ne peux pas te laisser partir avec des crottes au coin des yeux, non vient attend, je vais te moucher encore un peu.
Tu t’es brossé les dents ?!
Ca m’épuise il est grand temps qu’on se quitte.
Manque total de crédibilité puisque j’ai crié sur tout les toits que j’avais fini de tourner Kijé. Et bien c’était des conneries !
Mais quelque part c’est tout à fait dans l’esprit de se projet qui n’en finit pas de finir.
Du coup j’ai cette phrase de Bertrand Belin qui me vient en tête "Courage, avançons, un jour arrivera, nous y arriverons....".
Bref, ultime banc de montage improvisé, ultime prise de vue. Vraiment.
Il faut se méfier, on croit qu’on a bientôt fini et puis il reste une multitude de choses imprévues.
Mais il faut quand même dire une chose, et pas des moindre, j’ai terminé de dessiner mon film.
J’ai débranché ma table lumineuse, j’ai nettoyé le multiplan, j’ai déposé cette dernière centaine de dessins dans une boite d’archive, je l’ai fermée, et je les ai comptées.
8, qui peuvent chacune contenir 2000 ou 2500 pages.
J’ai regardé l’ultime crayon à papier qui trainait sur la table parmi tout les petits moignons, et franchement j’ai du mal à me dire que cette étape est derrière moi.
Mais pas d’inquiétude, j’ai encore un bon paquet d’heures de compositing, le sevrage se fera en douceur...
Ils sont tous venus pour la dernière.
Petite crise animiste alors que je dessine pour la dernière fois quelques personnages du cortège.
J’ai déjà parlé de mon attachement pour certains...Vu le temps que j’ai passé à les dessiner.
Et bien ça fait bizarre.
Ils sont regroupés immobiles, pour une fois, et ils attendent.
Ils vont attendre que je revienne de mon séjour en Suisse pour le Monstre festival où je serai avec Grandpapier pour interviewer B.ü.L.b. Comix, les éditions Drozophile et J.M. Bertoyas.
RHHHAAAAA !
La fin !!!!
Elle est là ! Je l’ai coincée dans un coin, je l’ai !
Mon caillou dans la chaussure.
Ca fait un moment qu’on se cherche !
C’est réglé, ça y est. Sur la toute dernière note de piano, le film se termine.
Je n’ai même pas fait exprès, j’avais fait une durée à la louche, mais non, ça se termine exactement sur la musique.
Satisfaction.
Bon, mais ça ne veut pas dire que c’est terminé, parce que je dois m’attaquer au milieu.
Et puis il lui restera des petites crottes au coin des yeux à ce film, il faudra un peu fignoler...
Les pages de mon story-board ( À jour ! Mais oui moi aussi je fais des progrès tout les jours ! ) sont divisées en deux tas : ce qui est fait VS ce qui reste à régler. 23 pages VS 4. Ca ne veut rien dire finalement, puisque je peux passer 6 mois sur une scène. Mais maintenant je sais, et je sais qu’il n’y en a plus pour longtemps.