Joanna Lorho

La journée du bilan

Août 2012

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Désolée mais c’était une journée bilan "où j’en suis avec le film".
Donc on a un bilan qui mélange lucidité, catastrophe, confession publique, colère, cynisme...
Bref comme d’habitude.

BILAN : Je pense qu’on ne comprendra rien à ce film.
Enfin moi je me comprend, mais vous non.

Je peux déjà le dire avant même qu’il soit terminé, oui je peux le dire, je peux aussi dire pourquoi, vous voulez savoir pourquoi ?
Parce que quand j’ai commencé, j’y connaissais rien, ni en dessin, ni en narration, voilà ! Et c’est tellement de boulot que je ne peux pas rectifier le tir, quand bien même j’essaie parfois, quand bien même je remanie le truc avec le recul tout ça.

J’AI MAL CONCU MON HISTOIRE.
Pourquoi ? Parce que
1. je ne voyais pas forcément ou j’allais, est-ce que j’allais faire ce film ? Dans quelles conditions ?
2. je n’avais absolument pas conscience de l’énorme travail que ça représentait, ni des difficultés que ça pouvait poser en terme de dessin, d’animation, de cadrage, lisibilité...
3. Je ne savais de toutes façons pas vraiment ce que je voulais dire.

Conséquence, j’ai négligé le départ.

Je me rappelle de mon prof de piano (celui qui faisait peur, qui mettait du lait pour le corps sur ces touches de piano et qui grognait quand il jouait ) et bien ( malgré tout ça ) il m’a dit "Les fondations Joanna, votre main gauche ! Sans les fondations, ce que vous jouez, mais ce n’est rrrrien, il faut une main gauche soliiiide ! Imaginez une maison ! Si les fondations ne sont pas bonnes, la maison s’effooooondre !"

Voilà. La maison s’effondre et depuis plusieurs années je colmate.
Pourquoi c’est long ? Parce que je ne construit pas, je colmate.

J’y connaissais rien et puis on a beau recevoir des conseils il faut encore être capable de les suivre. Et puis c’est pas en lisant Michel Chion qu’on invente des histoires qui tiennent la route ( d’ailleurs peut-être que c’est Dieu qui me punit justement parce qu’un jour j’ai fait un jeu de mot vraiment pas terrible avec son nom )
Voilà.
Ce film c’est un résumé de toutes les conneries à ne pas faire quand on est un débutant en animation.
Ah bah tiens, ça fera peut-être un bon outil pédagogique.
Et je me rend compte, et ça, c’est ce qui me fait le plus flipper, c’est le message, mais ça aurait été bien, ça aurait été mignon oui il y a quelques années quand j’étais jeune, quand j’étais une ado tiens, mais maintenant, mais si je devais raconter une histoire, mais je ne dirai pas ça, en tout cas pas comme ça.
AAAAhhh mais ça me désole !
Ca se trouve, le peu de ce que les gens vont comprendre, ce sera d’une niaiserie digne d’un tube de Yannick Noah !
Mais pourquoi tant de haine !!!!

NE - FAITES - JAMAIS - UN - PROJET - QUI - VOUS - EMBARQUE - SUR - PLUSIEURS - ANNEES.

À moins que vous soyez un génie, ou que vous ayez déjà 10 ans de pratique derrière, mais sinon, c’est le truc le plus casse gueule que vous puissiez imaginer.

Remarque, on ne sait pas toujours, moi est-ce que je savais au début que je serai là à me lamenter en 2012 avec ce même projet ?( et avant en 2011, en 2011 une autre fois, en 2010....bref.)
Ah, mais quand j’ai eu cette idée là un soir de 2004, dans mon petit appart allongée sur ma petite moquette rêche en écoutant Prokofiev au casque, mais, pourquoi ce soir là j’étais pas au ciné, où je sais pas, en train de travailler, boire des coups ? Les copains, qu’est-ce que vous faisiez ce soir là bande de lâches !
Ou alors, pourquoi prise d’une frénésie intense j’ai pas pondu un truc là, en 2004, alors qu’à côté de ça je ne savais même pas quoi faire pour mon diplôme des Beaux Arts làààà ! Qui me sert à rien en plus !

Je vous préviens, si un jour ce film est projeté, je ne serai pas là, je ne serai pas là ni pour les questions, ni pour les insultes, ni pour les bisous, ni pour le reste.
J’aurai changé d’identité je serai un homme tiens et je serai garde forestier en Amérique du Nord.

Bon il ne faut pas s’inquiéter, je vais bien [1], je vais me remettre au travail, c’est juste une phase "d’acceptation" comme j’en ai eu déjà des tas de fois, qui consiste à prendre conscience de certains aspects médiocre de son travail d’artiste que l’on avait soit ignoré, soit lissé avec le temps.
En l’occurrence, j’avais un peu oublié la confusion qui régnait au début du film.
Forcément, j’ai beau SAVOIR que rien n’est parfait, j’ai quand même régulièrement des "révélations" assez douloureuses, douleur qui peut être proportionnelle à l’investissement et au temps que je mets dans ce projet.

La bonne nouvelle c’est qu’un jour tout ça va se terminer et que ce soit bon ou pas, moyen, pourri ou fantastique, je pourrai dire "Ca c’est fait" et passer à autre chose, et ça, sera un grand moment de joie.

[1Il faut savoir qu’écrire des pavés pareil à une fonction assez salvatrice, elle "ventile le coeur", et si j’ai l’air effondrée dans un post, si je l’écris c’est que je ne suis pas si effondrée que ça, le silence serait plus inquiétant. Bref, ça me permet de continuer à mener une vie normale parmi mes semblabes !

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(Août 2012)

"...pour parvenir à l’art il faut abattre le temps, l’étendre raide mort d’une seule balle. Je m’ouvrais un chemin à travers la nuit (...) comme mon père dans le froid de son atelier posait de la peinture sur des longueurs de pellicule."

http://aldozrecord.org