Joanna Lorho

Oui je refais des passages.
Non je suis sérieuse.
J’avais prévenu. Sisi ! J’avais dit que...
...Mais oooouui ça rentrera dans le timing.
...
Non mais ça non.
Non pas sur la tête de mon fils.

Allez allez !!!

Mais ce sera la dernière.
Je fais des petites animations, pour un nouveau projet...
NOOON je ne met pas la charrue avant le boeufs, c’est le timing qui veut ça, c’est comme ça.
Le mot d’ordre : ne pas s’embarquer dans quelque chose de laborieux.

Ah oui j’oubliais le deuxième mot d’ordre : se faire plaisir...

Allez, aujourd’hui je tâche de donner une image plus chatoyante de mon travail.

Non parce que je ne voudrais pas qu’on aille imaginer que je travaille sur mon film en équilibre sur un tabouret avec la corde au cou.
Donc, après m’être remise dans le bain, je passe, avec un certain plaisir, du temps à construire le fichier de travail FINAAAL, celui du chipotage ultime, sur lequel on fera l’étalonnage et tout ça...
Chaque scène qui est portée dans ce fichier est une petite victoire il faut bien l’avouer.
Telle une maîtresse, c’est avec mon petit crayon rouge que j’entoure sur mon story board les plans qui ont droit au pass VIP...

L’impression désagréable de devoir retourner dans un bain qui a refroidi.
De terminer une tasse de café oubliée.
De remettre une fringue qui sent la cigarette de la veille.
Oh mais ce sont de véritables retrouvailles pleines d’amour ça !
Allez, j’exagère, c’est juste que relancer la machine après trois mois, c’était un peu effrayant.
Le planning aussi est un peu effrayant ( tiens, pour changer ), j’ai ajouté quelques infidélités... Et non ce n’est pas du sabotage, mais afin d’éviter tout sarcasme je n’en dirai pas plus.
Etant donné qu’une deadline en forme de bébé n’a pas fait l’effet escompté, j’ai comme mission de finir Kijé ( pour de bon - non mais là c’est sérieux..), et on se contentera donc d’une deadline quelconque, en forme de date, composée d’un mois pris comme ça dans l’avenir, sans jour précis, allez, je lâche l’année ? Bof non, je serai capable de me planter encore une fois.

Quoi c’est tout ce que j’ai à dire ? Oui, parce que même après un long silence si je commençais à raconter des trucs, parler d’avenir tout ça j’aurai déjà l’impression de me répéter...

Je trie, je note, pour moi, pour pouvoir m’y retrouver après "la pause".
Je déterre des fichiers, je dépoussière, j’ouvre, je regarde, je met à jour, je clarifie, certains dossiers n’ont pas été ouverts depuis 2010... pourtant je me rappelle très bien le moment où je les ai fait, et ça n’avait pas l’air si loin...
Puis je fais un petit export, de chaque scène, une fiche de contrôle, un état des lieux, je collectionne les extraits de films, je les range les uns après les autres, j’ai l’impression d’être un petit enfant. Je ne m’attarde pas sur le résultat sinon j’en ai jusqu’à juillet, je classe, j’annote, dans l’ordre, scrupuleusement.
Enfin j’essaie parce qu’à force d’être à ce point mécanique et répétitive, je m’échappe...